Assoc Ahuana, Salinas

Lundi 10 août.

Près d’Ahuana (Riobamba)

[...]

           Nous partons en taxi vers l’assoc AHUANA… nos pensées sur la route volent vers le sommet du Chimborazo, que nous sommes tout de même frustrés de n’avoir pas atteint. Mais pas de regret, car nous avons fait le maximum et surtout sans entraînement. Ce sommet nous fait quand même encore rêver, d’autant plus lorsque nous apercevons ses deux pics enneigés à 6 000 et 6 300 m qui semblent à portée de main.

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         Le taxi nous dépose à Palacio Real [...] Personne en vue. Nous marchons vers le village suivant de San Francisco, une camionnette nous prend au passage et nous dépose à la maison du Padre Pedro. Il est parti conduire un groupe de français à une minga, le temps pour DSC05747nous de marcher un peu dans ce village bien sympathique et atypique : les champs miniatures sont entourés de pincas en guise de haies, les femmes vêtues des tenues traditionnelles avec le poncho coloré portent un petit chapeau que nous n’avons encore vu nulle part. Le blanc symbolise la glace du Chimborazo (qui a priori aura totalement disparu dans 25 ans !) et le ruban noir renvoie au deuil du dernier Inca. Belle symbolique.


            Les villageois nous disent bonjour avec de grands sourires. Tous les 50 mètres, nous croisons un troupeau constitué d’une poignée de moutons et d’agneaux, d’un chien et de deux vaches ou lamas. Etonnant, ces petits troupeaux qui déambulent dans la rue en terre battue de ce petit village. Tous sont muselés pour les empêcher de manger en cours de route !


            Les villageois nous indiquent la lima, la colline où s’est rendu Padre Pedro (qu’ici tout le monde connaît apparemment, et même ailleurs en Equateur, plusieurs nous ont parlé de lui). Après une bonne et belle marche qui fait un grand bien aux jambes suite à la montée du Chimborazo (quel plaisir de remarcher dans de légères chaussures de rando, après les chaussures lourdes et dures à crampons !), nous croisons un pick-up qui redescend. Pas de doute, c’est lui. Il nous raccompagne au village et nous descendons ensemble à la maison de Palacio Real qui était fermée. Autour d’un café, il nous parle des nombreux projets plus ou moins avancés. Tout cela est passionnant et valait le déplacement !

 

 

 

Association AHUANA, avec le Padre Pedro.

 

            Originaire de l’Oise, il st arrivé en Equateur il y a 10 ans, en tant que missionnaire envoyé par son évêque. Jamais il n’avait pensé (ni même souhaité) s’occuper de tels projets, mais devant les situations parfois alarmantes, il ne pouvait rester sans mettre en place certaines choses. Durant ses deux premières années ici, il a enterré une cinquantaine d’enfants de moins de 5 ans. Tous étaient victimes de malnutrition. D’où une sensibilisation à la santé et à l’importance d’une bonne alimentation.


            Autres projets :

*4 garderies, dans les 16 communautés de Calpi. Permet aux femmes dont les maris sont souvent partis loin plusieurs semaines (pb également familial) de souffler un peu en confiant leurs jeunes enfants à la garderie. Salaire payé par l’Etat !

*groupements de femmes : fabrication de shampoings et de nouilles à bas de farine de quinoa, dont la qualité reste à améliorer. Quand ce sera parfait, essaieront de la commercialiser un peu plus.

A notre question d’exporter les produits dans des magasins de commerce équitable, Padre Pedro répond qu’il ne veut pas avoir affaire avec les douanes. Mais il existe des dépôts de commerce équitable en Equateur, ce serait une bonne alternative.

*2 moulins. Projet facile apparemment, et bien rentable : le surplus a même permis de financer la réparation d’une chapelle ! De plus, cela évite aux femmes de descendre avec 8 kg de blé sur le dos pendant plusieurs heures.

*confitures à base de carottes. Il a été éberlué de voir qu’on pouvait acheter 40 kg de carottes à 1,50 $. C’est dérisoire comme prix de revient pour les producteurs. Son idée : en faisant de la confiture, ils peuvent en tirer plus de profit. Ainsi, la confiture carotte/ poire, goyave, orange, mûre, fraise ou fruit de la passion est née. Il faut maintenant la commercialiser [...] Cette idée me rappelle beaucoup les confitures de Nenmeli au Point Cœur près de Chennaï en Inde. Je me demande d’ailleurs où en est leur projet de commercialisation.

*projet à faire mûrir : confection de chapeaux traditionnels. + peinture sur les chapeaux, peintre DSC05862de Latacunga qui serait ok.

*gros projet autour des lamas :

* resto avec viande de lama (viande qui contient le plus de protéines et le moins de cholestérol). 5 $ l’almuerzo. Comme c’est rare est original, ça s’est vite fait connaître !

 

Des projets plein la tête et plein le cœur, cet homme ambitieux mais DSC05749humble, rêveur mais terre à terre, m’épate par sa facilité à trouver des solutions aux problèmes. Il me fait penser aux Pères MEP. Il connaît d’ailleurs le Père Lefebvre des MEP qu’il a accompagné plusieurs fois en Inde, notamment à Mooly à la frontière entre Kerala et Tamil Nadu. L’Inde le fascine et c’est un plaisir que de reparler un peu de ce pays dans lequel j’ai laissé une partie de moi-même. Beaucoup à dire encore sur cette rencontre, mais cela est déjà pas mal…

 

[...]

 

            Puis nous reprenons la route (asphaltée depuis hier !une bonne chose pour le village…) ravis de cette matinée intéressante. Nous décidons de nous rendre dans le petit vilage de Slinas dont nous a parlé Padre Pedro : d’autres projets intéressants apparemment (forgerie, chocolaterie, centre Don Bosco,…).


            Quelques minutes de marche et une voiture nous emmène à la carretera.Un camion nous conduit 2 kilomètres plus loin. Puis un peu de bus duquel nous avons une vue splendide sur le Chimborazo que je ne quitte pas des yeux. Nous le contournons par le flanc sud-ouest et apercevons même la crête du Castillo à 5 500m, la côte enneigée longue et difficile, le sommet à 6 000 m puis celui à 6 300 m, d’un blanc étincelant au soleil. Les nuages ne font que passer et ne s’y accrochent pas. Les abords du volcan sont désertiques. Décor lunaire. Les vicognes, rousses sur fond gris, y trouvent malgré tout de quoi subsister, se satisfaisant des quelques touffes de verdure ici et là.


            Vue l’heure, nous n’allons pas jusque Guaranda mais descendons au croisement avec la route de Salinas. Là, nous nous régalons de quelques cacahuètes caramélisées puis montons dans un pick-up (les deux frères avec leur poule, se rendant chez leur grand-mère). Arrivée à Salinas.

 

 

Salinas

 

Petit village bucolique. Place centrale où des jeunes habillés à l’occidentale jouent au volley et au foot, avec des spectateurs au look tout aussi moderne. Etonnant dans ce petit village. Comme à Achupayas.

 

            Hôtel en face d’El Refugio. 4 $ la nuit au lieu de 6 $. Rencontre de Catherine, from the States, Boston.Longue discussion auprès du feu. A passé 5 semaines à Quito en tant que psychologue scolaire. Très sympa. Très enrichissantes, toutes ces rencontres de voyageurs, autant en Inde, qu’en Colombie ou qu’ici en Equateur. Rencontres d’autant plus intéressantes que nous partageons souvent deux passions : le voyage, et la coopération.

            Et à travers toutes ces rencontres, on apprend des tas de choses sur des tas d’endroits dans le monde. Comme si l’on faisait un tour du monde à travers un seul pays, grâce aux nombreux backpackers rencontrés.

 

            DSC05773Encore une surprise de la nature, ce soir : non plus les ombres chinoises des lamas, mais une belle danse des nuages. Jamais vu ça ! + belle lumière sur les montagnes.

 


            Puis escalade du mont du calvaire où PE se retrouve sur la croix en deux temps tDSC05781rois mouvements. Belles photos pendant que la nuit tombe tout doucement. De là-haut, nous avons une belle vue sur le village et sur les falaises abruptes à droite. Nous ne pouvons redescendre sans un moment de prière devant cette croix dont nous nous souviendrons.

 

 

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            Redescente au village. Saute-mouton et photos avec les enfants ravis. Resto avec Catherine, nous apprenons qu’elle est également masseuse ! Nous rentrons tous les trois à l’hôtel en admirant au passage le ciel étoilé. Toujours cette constellation que je ne connais pas et qui m’intrigue :                    , telle une grande ourse déformée.

 

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            Soirée auprès de la cheminée : lecture et rédaction de ce carnet de bord !

 

 

(Croquis Salinas)

 

 

Mardi 11 août. 16 heures.

Gare de Guaranda.

Nous attendons le bus pour Babahoyo. Pratiques les attentes de bus pour le carnet de bord…

 

Suite Salinas

            Ce matin, réveil sans montre et sans réveil à l’heure prévue… Nous rejoignons Katherine pour le ptit-déj, que nous partageons également avec l’allemand blond. Il vient de voyager quelques semaines avec sa femme qui a dû rentrer au pays.lui, étant prof (maths et géo en primaire après 20 ans au lycée) peut rester un peu plus longtemps. Il passe à Salinas pour s’acclimater (3 500 m d’altitude) avant de grimper le Cotopaxi (5 900 m). Nous nous rendons compte non sans surprise que nous étions en même temps au Sikkhim en Inde au début du mois d’octobre ! Nous avons dû nous croiser entre Calcutta/Siliguri/Darjeeling et Gangtok… Chanceux, il a pu faire le trek du Kanchendzunga, lui et sa femme accompagnés de 9 porteurs ! à défaut de yaks…DSC05870

            Avec Katherine et notre guide qui aime bien se gratter le menton, nous visitons les micro entreprises de Salinas.

 


Salinas : les micro-entreprises

            Donc hier matin nous visitons le village étonnant de Salinas (j’ai l’impression que c’était il y a plusieurs jours et qu’aujourd’hui nous sommes dans un autre pays !).

            Dans les années 1970, les Salésiens sont arrivés dans le village de Salinas (appelé alors Toma Bella) et ont eu la bonne idée de créer une coopérative bancaire pour permettre que les bénéfices de la coopérative de sel ne reviennent pas seulement à quelques privilégiés, mais à tout le village. Suite à la création de cette banque, plusieurs micro-entreprises ont été grâce à un système de… micro-crédit ! Dans les années fin 1970… Mohammed Yunus n’était pourtant pas encore connu internationalement et sa fabuleuse idée de micro-crédit pas encore répandue dans le monde… Mais dans ce petit village de Salinas, cela existait : pour un prêt de 100 euros par exemple, un proche du créditeur devait se porter garant au cas où ce dernier ne pouvait pas rembourser son prêt. Taux d’intérêt faible. Prêts remboursés à 98 % en moyenne. Donc bien plusDSC05872 que les banques normales. Ce système est donc basé sur la solidarité.

            Micro-entreprises créées et qui fonctionnent bien, comme nous avons pu le constater : fromagerie, chocolaterie, vaches pour le lait, charcuterie (saucissons). Et artisanat : fabrication de ballons, couture, céramique, séchage de champignons, extractions d’huiles essentielles et fabrication de crème d’herbes médicinales (cire), et la dernière en date : réalisation de produits à base de soja (fromage de lait de soja, confiture, biscuits, graines séchées).

 

            Toutes ces micro-entreprises emploient des gens du village et alentours. Bon moyen également de limiter l’exode rural ! On se croirait dans un village playmobil bien organisé… Pour compléter le tableau : la place centrale, flanquée d’une petite église, et sur laquelle les jeunes jouent au volley et au football. Nous sommes à 3 500 m d’altitude et les montagnes aux sommets arrondis entourent ce petit village bucolique étonnant. Et pour couronner le tout, « la montagne du calvaire qui touche le ciel » comme nous l’a décrite un petit garçon.

 

 

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